Chers frères et sœurs dans le Christ,

Jésus est mort. Celui qui disait être le Fils de Dieu est enfermé « définitivement » dans un tombeau ! C’est le silence, la désillusion. Celui qui devait libérer son peuple gît dans un sépulcre. Quelle déception ! Jésus le Nazarénien, qui s’est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, … nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël … ! (Lc 24,19-21) C’est le mystère du Samedi Saint, le mystère de la mort de Dieu. Combien de fois dans nos vies, nous avons éprouvé l’abandon, le désarroi, la solitude, les larmes et la déception face à l’histoire, face à notre histoire. La mort d’une personne chère, une trahison, un échec, une relation importante qui s’arrête… Le Samedi Saint oblige le croyant, il nous oblige, à nous confronter à la « mort de Dieu » et à notre propre mort. Vous avez pu sans doute constater que je fais souvent référence dans mes interventions aux paroles des papes. Je trouve que leurs allocutions sont souvent surprenantes par leur clairvoyance prophétique. Je vous confie quelques lignes de l’homélie du Pape Benoît XVI lors de son pèlerinage à l’occasion de l’ostension du Saint Suaire de Turin, le dimanche 2 mai 2010 : « Dans ce « temps-au-delà-du temps », Jésus Christ « est descendu aux enfers ». Que signifie cette expression ? Elle signifie que Dieu, s’étant fait homme, est arrivé au point d’entrer dans la solitude extrême et absolue de l’homme, où n’arrive aucun rayon d’amour, où règne l’abandon total sans aucune parole de réconfort : « les enfers ». Jésus Christ, demeurant dans la mort, a franchi la porte de cette ultime solitude pour nous guider également à la franchir avec Lui. » Je trouve que ces quelques mots expriment en profondeur ce qu’un grand nombre d’entre nous a éprouvé au moins une fois dans sa vie. Mais ce qui n’apparait pas dans le mystère du Samedi Saint est la portée vitale, énorme, que la mort de Dieu apporte. Jésus Christ nous a aimés totalement, entièrement, jusqu’au plus profond de nous mêmes, il s’est vraiment laissé tuer par nos péchés, il est totalement entré dans nos faiblesses, dans nos paresses, dans nos mondanités ! Il nous a aimés intégralement, il n’a pas eu honte de nous, il ne nous a pas jugés. C’est lorsque nous le croyons anéanti, impuissant, incapable d’intervenir dans notre histoire, un fantôme, qu’il était en train de nous sauver. Le Christ pour nous sauver a dû entrer totalement dans nos enfers, dans nos morts, dans ce qui nous fait souffrir, pleurer, et il en est sorti vainqueur, ressuscité. La Pâque est justement ce passage de la mort à la vie, ce gué que Jésus a franchi en premier, ce couloir qui nous fait passer de l’esclavage – de l’impossibilité de nous libérer tout seul de nos passions, de nos chagrins, de nos rancunes – à la liberté des enfants de Dieu, à la paix de celui qui commence à se laisser aimer par Dieu tel qu’il est, à la sérénité de celui qui commence à voir son histoire avec les yeux mêmes de Dieu. Jésus est ressuscité des morts en notre faveur, pour détruire définitivement la mort physique et ontologique, notre mort profonde, existentielle. Il a rendu impuissant l’aiguillon de Satan qui nous faisait souffrir, qui nous mettait dans la tristesse, dans le désespoir, qui nous faisait dire lorsque nous étions dans la souffrance : « Si tu es vraiment le fils de Dieu, descend de la croix » (Mt 27,40), libère-moi de cette souffrance, fais-moi sortir de cette impasse, si tu existes vraiment. La mort est vaincue, mes frères, elle n’a plus de pouvoir
sur le chrétien. Entrons dans ce mystère, appuyés sur le Seigneur, alors nous pourrons crier avec force : « Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché, c’est la Loi. Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ ! » (1Co 15,55-57). Et encore, avec le chant de l’Exultet qui ouvre la célébration de la veillée pascale : Felix culpa, heureuse faute, qui nous a valu un tel rédempteur ! Courage mes frères ! Que ce confinement puisse nous aider tous à vivre plus en profondeur le mystère du Samedi Saint, pour entrer avec joie et gratitude dans l’explosion de la Pâque, dans la lumière du Christ qui nous envahit et qui éclaire notre histoire.

Bonne et Sainte Pâques à tous.

P. Giovanni

Laisser un commentaire